Semi-simplicité abstraite
Introduction
En algèbre linéaire la semi-simplicité apparaît dans différents contextes qui sont tous des cas particuliers de la notion de module semi-simple, telle qu'exposée dans BourbakiN. Bourbaki, Éléments de mathématique : algèbre. chap. 8. § 3.. Par exemple la semi-simplicité d'un endomorphisme \(f\) n'est autre que celle de la structure de \(K[X]\)-module induite par \(f\), et la semi-simplicité d'une représentation linéaire d'un groupe (ou monoïde) \(G\) est celle de la structure de \(K[G]\)-module induite par la représentation.
La théorie des modules semi-simples peut se voir comme généralisant les résultats élémentaires sur les
sommes directes de sous-espaces vectoriels : ces derniers passent aux modules à condition de
considérer des modules semi-simples. Par exemple, le fait que tout espace vectoriel soit somme
directe de droites (même en dimension infinie), autrement dit possède une base, est un cas particulier du
résultat tout module semi-simple est somme directe de modules simples
.
Mais en y regardant de plus près on se rend compte que la totalité de la théorie
n'utilise même pas la structure de module, mais seulement les propriétés de la relation d'inclusion entre
sous-modules. Les notions et résultats qui se rapportent à la semi-simplicité (somme directe,
semi-simplicité, simplicité, composantes isotypiques, multiplicité) survivent dans un cadre abstrait
où les sous-modules sont remplacés par les points d'un treillis muni des axiomes
adéquats, qu'on
appellera un treillis complètement modulaire, généralisant la structure d'un treillis de
sous-modules.
Dans toute la suite,
- \((E,≤)\) désigne un ensemble ordonné ;
- \(A\) désignant un anneau quelconque fixé une fois pour toutes, pour abréger
on dira
module
au lieu de\(A\)-module à gauche
.
Préliminaires
On rappelle que l'ensemble ordonné \((E,≤)\) est un
On dit que l'ensemble ordonné \((E,≤)\) est
—
Dans un ensemble ordonné complet \(E,\) toute partie a une borne inférieure. En
particulier, tout ensemble ordonné complet est un treillis (qu'on appellera un
Dans un treillis complet \(E,\) étant donné une famille \((x_i)_{i\in I},\) on notera
- \(\bigsum_{i\in I}x_i\) la borne supérieure de l'ensemble \(\{x_i\,,\>i\in I\}\) ;
- \(\biginf_{i\in I}x_i\) la borne inférieure de l'ensemble \(\{x_i\,,\>i\in I\}.\)
Soit \(I\) un ensemble, et \(\Sig\) un ensemble non vide de parties de
\(I.\) On rappelle que \(\Sig\) est \(J\in\Sig\)
est
équivalente à toute partie finie de \(J\) appartient à \(\Sig\)
. Dans ce cas l'ensemble \(\Sig,\)
ordonné par inclusion, s'il est non vide, est inductif, et donc, d'après le lemme de Zorn, possède un
élément maximal. En effet, si \(\Sig'\subset\Sig\) est totalement ordonné par inclusion, en notant \(J\) la
réunion des ensembles de \(\Sig',\) pour toute partie finie \(X\) de \(J,\) tous les éléments de \(X\)
appartiennent à un même ensemble \(K\in\Sig'.\) Or \(\Sig'\subset\Sig,\) d'où \(K\in\Sig,\) et donc
\(X\in\Sig.\) L'ensemble fini \(X\subset J\) étant arbitraire et \(\Sig\) étant de caractère fini on en
déduit que \(J\in\Sig.\)
Treillis complètement modulaires
On dit qu'un treillis \(E\) est
a On a toujours \((a+b)\wedge c≥a+(b\wedge c)\) (par conséquent seul le sens\(≤\)
a un intérêt dans la définition de la modularité). En effet, si \(a≤c,\) alors- \(b\wedge c≤c,\) d'où : \(a+(b\wedge c)≤a+c=c\) ;
- \(b\wedge c≤b,\) d'où : \(a+(b\wedge c)≤a+b.\)
-
b Le treillis des sous-modules d'un module donné est précisément modulaire : il s'agit de vérifier que si \(M,N,P\) sont trois sous-modules tels que \(M\subset P,\) alors \[(M+N)\inter P\subset M+(N\inter P).\] Si \(x\in (M+N)\inter P,\) d'une part il s'écrit \(x=m+n\) où \((m,n)\in M\times N,\) et d'autre part \(x\in P.\) Alors \(n=x-m\in P+M=P,\) d'où \[x=m+n\in M+(N\inter P).\]
Soit \(E\) un treillis complet. On dit qu'un élément \(x\in E\) est
de type fini
, voir l'exemple suivant. si la condition
suivante est vérifiée : pour toute famille \((x_i)_{i\in I}\) d'éléments de \(E,\) si
\(x≤\bigsum_{i\in I}x_i\) alors il existe un ensemble fini \(J\subset I\) telle que \(x≤\bigsum_{i\in
J}x_i.\)
- Soit \((M_i)_{i\in I}\) une famille de sous-modules d'un même module, et \(M\) un module engendré par une famille finie \((e_k)_{k\in K}\) et inclus dans \(\bigsum_{i\in I}M_i.\) Pour tout \(k\in K\) il existe un ensemble fini \(I_k\subset I\) tel que \(e_k\) appartienne à \(\bigsum_{i\in I_k} M_i.\) L'ensemble \(J=\Union_{k\in K}I_k\) est alors fini, et tous les \(e_k\) sont dans \(\bigsum_{i\in J}M_i\) donc \(M\) est inclus dans \(\bigsum_{i\in J}M_i.\)
- Inversement, supposons qu'un module \(M\) soit de type fini au sens de la définition ci-dessus. Le module \(M\) est réunion, mais aussi somme, des sous-modules monogènes \(Ax,\) \(x\in M.\) Il est alors somme d'un nombre fini d'entre eux, c'est-à-dire engendré par une famille finie.
On appelle
- \(({\rm CM}_1)\)\(E\) est un treillis modulaire complet ;
- \(({\rm CM}_2)\)Tout élément non nul de \(E\) est minoré par un élément non nul de type fini.
Dans toute la suite \((E, ≤)\) désigne un treillis complètement modulaire
Sommes directes dans un treillis complètement modulaire
Soit \((x_i)_{i\in I}\) une famille d'éléments de \(E.\) On dit que
- Toute famille indexée par un ensemble à \(0\) ou \(1\) élément est en somme directe.
- Une famille \((x,y)\) à deux éléments est en somme directe si, et
seulement si, \(x\wedge y=0.\) On dira dans ce cas que \(x\) et \(y\)
sont en somme directe . - Toute sous-famille d'une famille en somme directe est en somme directe.
- D'après la remarque , une famille est en somme directe si, et seulement si, toute sous-famille finie est en somme directe.
Une somme \(\bigsum_{i\in I}x_i\) directe est notée \(\bigoplus_{i\in I}x_i\) (et
\(x\oplus y\) dans le cas de deux éléments). On dit qu'une famille \((x_i)_{i\in I}\) est
— Soient \(x,y\in E.\) Tout supplémentaire de \(x\wedge y\) dans \(x\) est un supplémentaire de \(y\) dans \(x+y.\)
- Des inégalités \(x'\wedge y≤x'\) et \(x'\wedge y≤x\wedge y\) on déduit: \(x'\wedge y≤x'\wedge(x\wedge y)=0.\)
- On a également : \(x+y=x'+(x\wedge y)+y=x'+y.\)
— Pour toutes familles \((x_i)_{i\in I}\) et \((y_i)_{i\in I}\) d'éléments de \(E,\) on a : \[\left\{\matrix{\forall i\in I\,,\>x_i≤y_{i}\cr \bigoplus_{i\in I}y_i≤\bigsum_{i\in I}x_i}\right.\qquad\impl\qquad \forall i\in I\,,\>x_i=y_i\,.\]
— Soient \(x≤y≤z\) trois éléments de \(E,\) et \(x'\) un supplémentaire de \(x\) dans \(z.\) Alors \(x'\wedge y\) est un supplémentaire de \(x\) dans \(y.\)
- On a : \(x\wedge(x'\wedge y)≤x\wedge x'=0.\) La somme \(x+(x'\wedge y)\) est donc directe.
- Par modularité appliquée au triplet \((x,x',y)\) on a : \[x+(x'\wedge y)=(x+x')\wedge y=z\wedge y=y\,.\]
— Soient \(x,y,z\in E.\) Si \(x+y\) et \(z\) sont en somme directe, alors \[(y+z)\wedge x =y\wedge x\,.\]
— Soient \(x,y,z\in E\) tels que \(x+y\) et \(z\) soient en somme directe. Si \(x≤y+z\) alors \(x≤y.\)
— Propriété d'échange Soient \(x,y,z\in E\) tels que \(x+y\) et \(z\) soient en somme directe. Si \(x\) et \(y\) sont aussi en somme directe alors \(x\) et \(y+z\) le sont également.
— Soit \((x_i)_{i\in I}\) une famille d'éléments de \(E\) en somme directe, et \(J,K\) deux parties de \(I\) disjointes. Alors \(\bigoplus_{i\in J} x_i\) est en somme directe avec \(\bigoplus_{i\in K} x_i.\)
— Soient \((x_i)_{i\in I}\) une famille de vecteurs de \(E,\) et \(\{I_k\,,\>k\in K\}\) une partition de \(I.\) Les conditions suivantes sont équivalentes :
- La famille \((x_i)_{i\in I}\) est en somme directe ;
- Pour tout \(k\in K,\) la famille \((x_i)_{i\in I_k}\) est en somme directe, et la famille \(\Big(\bigoplus_{i\in I_k}x_i\Big)_{k\in K}\) est aussi en somme directe.
- Supposons (i). Pour tout \(k\in K,\) la famille \((x_i)_{i\in I_k}\) est en somme directe comme sous-famille de \((x_i)_{i\in I}.\) De plus, d'après le lemme ci-dessus, \(\bigoplus_{i\in I_k}x_i\wedge \bigsum_{l≠k}\bigoplus_{i\in I_l}x_i=\bigoplus_{i\in I_k}x_i \wedge\bigoplus_{i\in I\setminus I_k}x_i =0,\) c'est-à-dire : la famille \(\big(\bigoplus_{i\in I_k}x_i\big)_{k\in K}\) est en somme directe. On a donc (i) \(\impl\) (ii).
- Supposons (ii). Soit \(j\in I.\) Il s'agit de vérifier que \(x_j\wedge\bigsum_{i\in I\setminus\{j\}}x_i=0.\) Soit \(k\in K\) tel que \(j\in I_k.\) Puisque la famille \((x_i)_{i\in I_k}\) est en somme directe on a \[x_j\wedge\bigoplus_{i\in I_k\setminus\{j\}}x_i=0\,.\] D'autre part puisque la famille \(\Big(\bigoplus_{i\in I_k}x_i\Big)_{k\in K}\) est elle aussi en somme directe on a aussi \[\Big(x_j+\bigoplus_{i\in I_k\setminus\{j\}}x_i\Big)\wedge \bigsum_{i\in I\setminus I_k}x_i=0\,.\] Par la propriété d'échange appliquée au triplet \(\Big(x_j\,,\bigoplus_{i\in I_k\setminus\{j\}}x_i\,,\bigsum_{i\in I\setminus I_k}x_i\Big)\) on obtient le résultat voulu.
Semi-simplicité dans les treillis complètement modulaires
On appelle
a Soit \(x\in E.\) Alors \(x\) est simple si, et seulement si, il est à la fois indécomposable et semi-simple.-
b Tout élément simple est de type fini. En effet, un tel élément \(x\) est non nul donc minoré par un élément non nul \(t\) de type fini (axiome (CM2)), et la simplicité de \(x\) entraîne \(t=x.\) Remarquons que dans le cas des modules, un module simple est non seulement de type fini mais monogène. Dans un treillis complètement modulaire général, la notion d'élément monogène n'est pas définissable, contrairement à celle d'élément de type fini.
— Tout minorant d'un élément semi-simple est semi-simple.
— Tout élément semi-simple non nul d'un treillis complètement modulaire admet un minorant simple.
- Montrons que l'ensemble \(A\) constitué des minorants stricts de \(t\) est inductif. Soit \(B\) une partie totalement ordonnée de \(A,\) et \(m=\sup(B)=\bigsum_{x\in B}x.\) Il s'agit de voir que \(m\in A,\) c'est-à-dire \(m≠t.\) Si on avait \(m=t,\) puisque \(t\) est de type fini il existerait un ensemble fini \(B'\subset B\) telle que \(t≤\bigsum_{x\in B'}x=\sup (B').\) Mais \(B'\) étant totalement ordonné on aurait alors : \(t≤\sup (B')\in B',\) ce qui contredirait le fait que les éléments de \(B'\) sont des minorants stricts de \(t.\)
- D'après le lemme de Zorn on en déduit que \(A\) possède un élément maximal, qui est donc un minorant strict maximal \(t'\) de \(t.\) L'élément \(x\) étant semi-simple, d'après la proposition ci-dessus, il en est de même pour \(t.\) Il existe donc un élément \(t''\) tel que \(t=t'\oplus t''.\) On va montrer que \(t''\) répond à la question.
- On a déjà \(t''≤x.\) Il reste à montrer que \(t''\) est simple. On a déjà \(t''≠0\) puisque \(t'≠t.\) Il reste à voir que tout élément \(s\) tel que \(0\lt s≤t''\) est égal à \(t''.\) On a \(s\wedge t'≤t''\wedge t'=0≠s,\) donc \(s\) n'est pas un minorant de \(t',\) donc \(t'\lt t'+s.\) Par maximalité de \(t'\) on en déduit \(t'+s=t.\) On en déduit, par propriété de modularité appliquée au triplet \((s,t',t''),\) \[s=s+0=s+(t'\wedge t'')=(s+t')\wedge t''=t\wedge t''=t''\,.\]
Décomposition en somme d'éléments simples
Le résultat suivant est en quelque sorte la version abstraite du théorème de la base incomplète en algèbre linéaire.\[ \]
— Soit \((x_i)_{i\in I}\) une famille d'éléments simples dans un treillis complètement modulaire \(E,\) et \(y\in E\) tel que \(y≤\bigsum_{i\in I}x_i.\) Il existe un ensemble \(J\subset I\) tel que la somme \(\bigsum_{i\in J}x_i\) soit directe et supplémentaire de \(y\) dans \(\bigsum_{i\in I}x_i.\)
— Soit \(x\in E.\) Les conditions suivantes sont équivalentes :
- \(x\) est somme d'une famille d'éléments simples ;
- \(x\) est somme directe d'une famille d'éléments simples ;
- \(x\) est semi-simple.
- (i) \(\impl\) (ii) : il suffit d'appliquer le théorème précédent en prenant \(y=0.\)
- Supposons (ii). Soit \(x'≤x.\) En appliquant le lemme précédent en prenant \(y=x'\) on obtient : \(x'\) a un supplémentaire dans \(x.\) On a donc (ii) \(\impl\) (iii).
- Supposons (iii). Soit \(y\) la somme (borne supérieure de l'ensemble) des éléments simples inférieurs à \(x.\) Il s'agit de vérifier que \(y=x.\) L'élément \(x\) étant semi-simple il existe \(y\in E\) tel que \(x=y\oplus y'.\) Supposons par l'absurde \(y\lt x.\) Alors \(y'≠0.\) D'après \(y'\) est semi-simple, donc d'après \(y'\) est minoré par un élément simple \(s.\) Mais alors \(s≤y,\) d'où \(s≤y\wedge y',\) ce qui contredit le fait que \(y\) et \(y'\) sont en somme directe.
— Toute somme d'éléments semi-simples est semi-simple.
—
Soit \(x\in E.\) Il existe un plus grand minorant semi-simple de \(x.\)
On l'appelle la
Résultats de cardinalité
Le théorème suivant est en quelque sorte la version abstraite du résultat d'algèbre linéaire
toute famille libre a au plus autant de vecteurs qu'une famille génératrice
.\[ \]
—
Dans \(E,\) supposons que l'on ait une inégalité de la forme
\[z\oplus\bigoplus_{j\in J}y_j≤z+\bigsum_{i\in I}x_i\,,\]
où les \(y_j\) sont
Si \(\card(I)=0\) alors \(z\oplus\bigoplus_{j\in J}y_j≤z,\) c'est-à-dire \(\bigoplus_{j\in J}y_j≤z.\) Mais
alors \(\bigoplus_{j\in J}y_j=z\wedge \bigoplus_{j\in J}y_j\) est nul puisque la somme est directe. Les
\(y_j\) étant non nuls, la seule possibilité est \(J=\vide,\) c'est-à-dire \(\card(J)=0.\)
Soit \(n\in\nmat^*\) et supposons le résultat acquis lorsque \(\card(I)=n-1.\) Supposons maintenant que
l'on ait \(z\oplus\bigoplus_{j\in J}y_j≤z+\bigsum_{i\in I}x_i\) avec \(\card(I)=n,\) les \(y_j\) non
nuls, et les \(x_i\) simples.
Soit \(k\in I\) fixé.
1ercas : Pour tout \(j\in J,\) \(x_k\) n'est pas majoré par
\(y_j+z+\bigsum_{i\in I\setminus\{k\}}x_i.\)
Étant simple, il est en somme directe avec ce
dernier. Or, par hypothèse, \(y_j≤z+\bigsum_{i\in I}x_i.\) D'après le corollaire , on en déduit que \(y_j≤z+\bigsum_{i\in
I\setminus\{k\}}x_i.\) L'indice \(j\in J\) étant arbitraire, on en déduit que \[z\oplus\bigoplus_{j\in
J}y_j≤z+\bigsum_{i\in I\setminus\{k\}}x_i\,.\] Puisque \(\card\l(I\setminus\{k\}\r)=n-1,\) par hypothèse
de récurrence on en déduit que l'ensemble \(J\) est fini et que \[\card(J)≤n-1≤n=\card(I)\,.\]
2e cas : Il existe \(l\in J\) tel que \(x_k≤y_l+z+\bigsum_{i\in
I\setminus\{k\}}x_i.\)
Alors \[ z\oplus\bigoplus_{j\in J\setminus\{l\}}y_j
≤z\oplus\bigoplus_{j\in J}y_j≤z+\bigsum_{i\in I}x_i≤y_l+z+\bigsum_{i\in I\setminus\{k\}}x_i\,.\] Puisque
\(\card\l(I\setminus\{k\}\r)=n-1,\) par hypothèse de récurrence (appliquée à \(y_l+z\) à la place de
\(z),\) on en déduit que \(\card\l(J\setminus\{l\}\r)≤n-1,\) c'est-à-dire \(\card(J)≤n.\)
— Soit \(\mskip 2mu x=\bigoplus_{i\in I}x_i\mskip 2mu\) et \(\mskip 2mu x=\bigoplus_{j\in J}y_j\mskip 3mu\) deux décompositions d'un même élément semi-simple \(x\) comme somme directe (finie ou infinie) d'éléments simples. Alors \(\mskip 2mu\card(I)=\card(J).\)
1ercas : L'ensemble \(I\) est fini. Puisque les \(x_i\) sont
semi-simples et les \(y_j\) non nuls, l'application du théorème précédent avec \(z=0\) donne : \(J\)
est fini et \(\card(J)≤\card(I).\)
2e cas : L'ensemble \(I\) est infini. Pour tout \(i\in I,\) il existe
une partie finie \(J(i)\) telle que \(x_i\wedge \bigoplus_{j\in J(i)}y_j≠0\) (Rem. ), et par suite, puisque \(x_i\) est simple,
\(x_i≤\bigoplus_{j\in J(i)}y_j.\) La somme des \(x_i\) vaut \(x,\) ce qui entraîne \(\Union_{i\in
I}J(i)=J.\) Puisque \(I\) est infini et que les \(J(i)\) sont finis, on en déduit
\[\card(J)=\card\l(\Union_{i\in I}J(i)\r)≤\card(I).\]
Éléments isomorphes
Pour pouvoir généraliser au cas abstrait la notion de module isotypique (module
semi-simple dont tous les sous-modules simples sont isomorphes), il faut pouvoir disposer d'une notion
d'éléments isomorphes
. Or, il n'est probablement pas possible de définir, à partir de la relation
d'ordre dans un treillis complètement modulaire abstrait, une relation binaire jouant le rôle de la
relation d'isomorphisme entre sous-modules d'un module. A cet effet on va enrichir
la structure de
treillis complètement modulaire de façon à disposer d'une notion d'isomorphisme entre éléments. Commençons
par remarquer (c'est classique et facile) que deux sous-modules d'un module \(M\) ayant un supplémentaire
commun sont isomorphes (la réciproque est fausse, comme le montre l'exemple d'un hyperplan d'un espace
vectoriel en dimension infinie). Remarquons également qu'un isomorphisme entre deux modules induit un
isomorphisme d'ensembles ordonnés entre les deux treillis de sous-modules.
— Soient \(x,y\in E\) deux éléments semi-simples. La
condition \(x\) et \(y\) ont un supplémentaire commun dans \(z\)
ne dépend pas du majorant
semi-simple \(z\) de \(\{x,y\}\) choisi. Lorsqu'elle est vérifiée on dira tout simplement que \(x\) et
\(y\)
- \(x\) et \(y\) ont un supplémentaire commun dans \(z\) ;
- \(x\) et \(y\) ont un supplémentaire commun dans \(x+y.\)
Supposons (i). Soit \(t\) un supplémentaire commun de \(x\) et \(y\) dans \(z.\) Puisque \(z\) majore
\(x+y,\) d'après la proposition ,
\(t\wedge(x+y)\) est un supplémentaire commun de \(x\) et \(y\) dans \(x+y.\)
Supposons (ii). Soit \(t\) un supplémentaire commun de \(x\) et \(y\) dans \(x+y,\) et \(z\) un majorant
semi-simple de \(\{x,y\},\) c'est-à-dire de \(x+y.\) Par semi-simplicité de \(z,\) l'élément \(x+y\)
admet un supplémentaire \(u\) dans \(z.\) Alors \(t\oplus u\) est un supplémentaire commun de \(x\) et
\(y\) dans \(z.\)
- \(({\rm IS}_1)\)\(G\) est le graphe d'une relation d'équivalence ;
- \(({\rm IS}_2)\)Si \((x,y)\in G,\) il existe un isomorphisme \(\phi\) d'ensembles ordonnés de \([0,x]\) sur \([0,y]\) tel que pour tout élément \(x'≤x,\) \((x',\phi(x'))\in G\) ;
- \(({\rm IS}_3)\)Si \(x,y\in E\) sont deux éléments semi-simples ayant un supplémentaire commun, alors \((x,y)\in G\) ;
- \(({\rm IS}_4)\)Si deux familles \((x_i)_{i\in I}\) et \((y_i)_{i\in I}\mskip 3mu\) sont chacune en somme directe (finie ou infinie) et si, pour tout \(i\in I,\) \(\l(x_i, y_i\r)\in G,\) alors \(\Big(\bigoplus_{i\in I}x_i\,,\,\bigoplus_{i\in I}y_i\Big)\in G.\)
Lorsque \((x,y)\in G\) on dit que \(x\) et \(y\) sont
Dans toute la suite on se donne un triplet \((E,≤,G)\) où \((E,≤)\) est un treillis complètement modulaire et \(G\) une notion d'isomorphisme.
— Soit \(x\in E,\) somme d'une famille \((x_i)_{i\in I}\) d'éléments simples. Pour tout élément \(z≤x,\) il existe un ensemble \(J\subset I\) tel que la somme \(\bigsum_{i\in J} x_i\) soit directe et isomorphe à \(z.\)
- Tout élément isomorphe à un élément non nul est non nul.
- Tout élément isomorphe à un élément simple est simple.
- Tout élément isomorphe à un élément indécomposable est indécomposable.
- Tout élément isomorphe à un élément semi-simple est semi-simple.
— Soit \(x\in E,\) somme d'une famille \((x_i)_{i\in I}\) d'éléments simples. Alors tout minorant simple de \(x\) est isomorphe à l'un des \(x_i.\)
Décomposition en composantes isotypiques
— Soit \(x\in E.\) Les conditions suivantes sont équivalentes :
- \(x\) est semi-simple et les minorants simples de \(x\) sont deux à deux isomorphes ;
- \(x\) est somme d'éléments simples deux à deux isomorphes ;
- \(x\) est somme directe d'éléments simples deux à deux isomorphes ;
- \(x\) est semi-simple et pour tous minorants \(y,z\) de \(x,\) l'un des deux est isomorphe à un
minorant de l'autre.
On dit que \(x\) estisotypique s'il vérifie ces conditions équivalentes.
- (i) \(\ssi\) (ii) \(\ssi\) (iii) résulte du théorème et du corollaire .
- Supposons (i). Soient \(y,z≤x.\) L'élément \(x\) étant semi-simple, \(y\) et \(z\) le sont également. Il existe des familles \((y_i)_{i\in I}\) et \((z_j)_{j\in J}\) d'éléments simples telles que \(y=\bigoplus_{i\in I}y_i\) et \(z=\bigoplus_{j\in J}z_j.\) Les \(y_i\) et les \(z_j\) étant des minorants simples de \(x\) ils sont tous isomorphes. De plus l'un des deux ensembles \(I\) et \(J\) (celui de plus petit cardinal) est en bijection avec un sous-ensemble de l'autre. L'axiome (IS\(_4)\) entraîne alors que \(y\) ou \(z\) est isomorphe à un minorant de l'autre. On a donc (i) \(\impl\) (iv).
- Supposons (iv). Soient \(y,z≤x\) deux élément simples. L'un des deux (par exemple \(y)\) est isomorphe à un minorant de l'autre (un élément \(z'≤z).\) On a \(y≠0\) donc \(z'≠0.\) Puisque \(z\) est simple, \(z=z'\) est donc isomorphe à \(y.\) On a donc (iv) \(\impl\) (i).
Dans la suite on note \(\mskip 2mu\Sig\) l'ensemble des classes
d'isomorphisme des éléments simples de \(E.\) Soit \(S\in\Sig.\) On dit qu'un élément isotypique \(x\) est
— Toute famille \((x_S)_{S\in\Sig}\) où chaque \(x_S\) est isotypique de type \(S\) est en somme directe.
— Soit \(x\in E\) et \(S\in\Sig.\) Il existe un plus grand
minorant isotypique de \(x\) de type \(S.\) On l'appelle la
— Soit \(x\in E\) et \(S\in\Sig.\) Pour tout élément \(y≤x\) on a : \[\ci(y,S)=y\wedge \ci(x,S)\,.\]
— Théorème de décomposition en composantes isotypiques Soit \(x\in E.\) La somme des composantes isotypiques de \(x\) est directe et elle est égale à la partie semi-simple \(x'\) de \(x\) (voir ). Inversement, si \(x'\) est somme d'une famille \((x_S)_{S\in\Sig}\) où chaque \(x_S\) est isotypique de type \(S,\) alors \(x_S=\ci(x,S)\) pour tout \(S\in\Sig.\)
Multiplicité
Soit \(x\in E\) et \(S\in\Sig.\) La composante isotypique \(\ci(x,S)\) se décompose
comme somme directe \(\bigoplus_{i\in I}s_i\) où les \(s_i\) sont simples et éléments de \(S.\) D'après , le cardinal (fini ou
infini) de \(I\) ne dépend pas de la décomposition choisie. On l'appelle la
Soit \(x\in E.\) On appelle
Si \(x,y\in E\) sont deux éléments semi-simples ayant même signature, d'après les th. et et l'axiome (IS4), \(x\) et \(y\) sont isomorphes. Inversement, si \(x\) et \(y\) sont isomorphes l'axiome (IS2) entraîne que leurs signatures sont égales. On a donc obtenu :
— Deux éléments semi-simples \(\mskip 2mu x,y\mskip 2mu\) sont isomorphes si, et seulement si, ils ont la même signature.