\( \newcommand{\nmat}{\mathbb{N}} \newcommand{\Inter}{\mathop{\bigcap}\limits} \newcommand{\Sig}{\mathfrak S} \def\impl{\Longrightarrow} \def\bigsum{\mathop{\raise-2pt\Large\hbox{\(\Sigma\)}\,}\limits} \def\biginf{\mathop{\raise-1pt\Large\hbox{\(\wedge\)}}\limits} \def\bigoplus{\mathop{\raise-1pt\Large\hbox{\(\oplus\)}}\limits} \def\E{\cal E} \def\ci{\mskip 2mu\mathop{\mathcal{CI}\,}} \def\inter{\mathbin{\,\cap\,}} \def\union{\mathbin{\,\cup\,}} \def\ssi{\Longleftrightarrow} \newcommand{\Union}{\mathop{\bigcup}\limits} \newcommand{\card}{\mathop{\rm Card}\nolimits} \def\l{\left} \def\r{\right} \newcommand{\vide}{\varnothing} \)

×The Abstract Side of the Force

toggle_fullscreen Semi-simplicité abstraite

Paul Barbaroux 03 septembre 2024

Introduction

En algèbre linéaire la semi-simplicité apparaît dans différents contextes qui sont tous des cas particuliers de la notion de module semi-simple, telle qu'exposée dans BourbakiN. Bourbaki, Éléments de mathématique : algèbre. chap. 8. § 3.. Par exemple la semi-simplicité d'un endomorphisme \(f\) n'est autre que celle de la structure de \(K[X]\)-module induite par \(f\), et la semi-simplicité d'une représentation linéaire d'un groupe (ou monoïde) \(G\) est celle de la structure de \(K[G]\)-module induite par la représentation.

La théorie des modules semi-simples peut se voir comme généralisant les résultats élémentaires sur les sommes directes de sous-espaces vectoriels : ces derniers passent aux modules à condition de considérer des modules semi-simples. Par exemple, le fait que tout espace vectoriel soit somme directe de droites (même en dimension infinie), autrement dit possède une base, est un cas particulier du résultat tout module semi-simple est somme directe de modules simples.

Mais en y regardant de plus près on se rend compte que la totalité de la théorie n'utilise même pas la structure de module, mais seulement les propriétés de la relation d'inclusion entre sous-modules. Les notions et résultats qui se rapportent à la semi-simplicité (somme directe, semi-simplicité, simplicité, composantes isotypiques, multiplicité) survivent dans un cadre abstrait où les sous-modules sont remplacés par les points d'un treillis muni des axiomes adéquats, qu'on appellera un treillis complètement modulaire, généralisant la structure d'un treillis de sous-modules.

Dans toute la suite,

  • \((E,≤)\) désigne un ensemble ordonné ;
  • \(A\) désignant un anneau quelconque fixé une fois pour toutes, pour abréger on dira module au lieu de \(A\)-module à gauche.

Préliminaires

On rappelle que l'ensemble ordonné \((E,≤)\) est un treillis si pour tous \(x,y\in E\) l'ensemble \(\{x,y\}\) admet une borne supérieure (notée \(x+y)\) et une borne inférieure (notée \(x\wedge y).\) Cela revient à dire que toute partie finie non vide a une borne supérieure et une borne inférieure.

On dit que l'ensemble ordonné \((E,≤)\) est complet si toute partie admet une borne supérieure. En considérant la partie vide et \(E\) tout entier on obtient: Tout ensemble ordonné complet \(E\) a un plus petit élément (noté \(0),\) et un plus grand élément (noté \(1),\) et en particulier est non vide.

Dans un ensemble ordonné complet \(E,\) toute partie a une borne inférieure. En particulier, tout ensemble ordonné complet est un treillis (qu'on appellera un treillis complet).

Soit \(F\subset E.\) L'ensemble \(G\) des minorants de \(F\) admet une borne supérieure \(g.\) Tout élément de \(F\) est un majorant de \(G\) donc est supérieur à \(g,\) lequel est donc un minorant de \(F.\) C'est le plus grand, car tout minorant de \(F\) est dans \(G\) donc inférieur à \(g.\) On a donc \(g=\inf F.\)

Dans un treillis complet \(E,\) étant donné une famille \((x_i)_{i\in I},\) on notera

  • \(\bigsum_{i\in I}x_i\) la borne supérieure de l'ensemble \(\{x_i\,,\>i\in I\}\) ;
  • \(\biginf_{i\in I}x_i\) la borne inférieure de l'ensemble \(\{x_i\,,\>i\in I\}.\)

L'ensemble des sous-modules d'un module donné, muni de la relation d'inclusion entre modules, est un treillis complet. En effet, si \((M_i)_{i\in I}\) est une famille de sous-modules d'un module \(M\) alors le module somme \(\bigsum_{i\in I}M_i\) (ensemble des sommes des familles presque nulles du produit cartésien) est la borne supérieure, pour l'inclusion, de la famille \((M_i)_{i\in I}.\) La borne inférieure est \(\Inter_{i\in I}M_i.\)

Soit \((E,≤)\) un treillis admettant un plus petit élément \(0\) et un plus grand élément \(1\) (par exemple un treillis complet). Alors \((E,+)\) est un monoïde commutatif d'élément neutre \(0,\) et \((E,\wedge)\) est un monoïde commutatif d'élément neutre \(1.\)

Soit \(I\) un ensemble, et \(\Sig\) un ensemble non vide de parties de \(I.\) On rappelle que \(\Sig\) est de caractère fini Terminologie de Bourbaki. Voir : N. Bourbaki, Éléments de mathématique : Théorie des ensembles, Fasc. de résultats, § 6, no 11 si, pour tout ensemble \(J\subset I,\) la propriété \(J\in\Sig\) est équivalente à toute partie finie de \(J\) appartient à \(\Sig\). Dans ce cas l'ensemble \(\Sig,\) ordonné par inclusion, s'il est non vide, est inductif, et donc, d'après le lemme de Zorn, possède un élément maximal. En effet, si \(\Sig'\subset\Sig\) est totalement ordonné par inclusion, en notant \(J\) la réunion des ensembles de \(\Sig',\) pour toute partie finie \(X\) de \(J,\) tous les éléments de \(X\) appartiennent à un même ensemble \(K\in\Sig'.\) Or \(\Sig'\subset\Sig,\) d'où \(K\in\Sig,\) et donc \(X\in\Sig.\) L'ensemble fini \(X\subset J\) étant arbitraire et \(\Sig\) étant de caractère fini on en déduit que \(J\in\Sig.\)

Treillis complètement modulaires

On dit qu'un treillis \(E\) est modulaire s'il vérifie la propriété suivante, appelée propriété de modularité Formulée par Dedekind.: \[\forall a,b,c\in E\,,\quad a≤c\quad\impl\quad (a+b)\wedge c\>=\>a+(b\wedge c)\,.\]

  1. a On a toujours \((a+b)\wedge c≥a+(b\wedge c)\) (par conséquent seul le sens \(≤\) a un intérêt dans la définition de la modularité). En effet, si \(a≤c,\) alors
    • \(b\wedge c≤c,\) d'où : \(a+(b\wedge c)≤a+c=c\) ;
    • \(b\wedge c≤b,\) d'où : \(a+(b\wedge c)≤a+b.\)
    On en déduit \(a+(b\wedge c)≤(a+b)\wedge c.\)
  2. b Le treillis des sous-modules d'un module donné est précisément modulaire : il s'agit de vérifier que si \(M,N,P\) sont trois sous-modules tels que \(M\subset P,\) alors \[(M+N)\inter P\subset M+(N\inter P).\] Si \(x\in (M+N)\inter P,\) d'une part il s'écrit \(x=m+n\) où \((m,n)\in M\times N,\) et d'autre part \(x\in P.\) Alors \(n=x-m\in P+M=P,\) d'où \[x=m+n\in M+(N\inter P).\]

Soit \(E\) un treillis complet. On dit qu'un élément \(x\in E\) est de type fini  Aussi appelé un élément compact dans la littérature. Du fait que nous avons dans l'idée de généraliser la situation d'un treillis de sous-modules, nous dirons plutôt de type fini, voir l'exemple suivant. si la condition suivante est vérifiée : pour toute famille \((x_i)_{i\in I}\) d'éléments de \(E,\) si \(x≤\bigsum_{i\in I}x_i\) alors il existe un ensemble fini \(J\subset I\) telle que \(x≤\bigsum_{i\in J}x_i.\)

Dans le treillis des sous-modules d'un module, un module \(M\) est de type fini au sens précédent si, et seulement si, il est de type fini au sens habituel, c'est-à-dire s'il admet une famille génératrice finie. En effet,

  • Soit \((M_i)_{i\in I}\) une famille de sous-modules d'un même module, et \(M\) un module engendré par une famille finie \((e_k)_{k\in K}\) et inclus dans \(\bigsum_{i\in I}M_i.\) Pour tout \(k\in K\) il existe un ensemble fini \(I_k\subset I\) tel que \(e_k\) appartienne à \(\bigsum_{i\in I_k} M_i.\) L'ensemble \(J=\Union_{k\in K}I_k\) est alors fini, et tous les \(e_k\) sont dans \(\bigsum_{i\in J}M_i\) donc \(M\) est inclus dans \(\bigsum_{i\in J}M_i.\)
  • Inversement, supposons qu'un module \(M\) soit de type fini au sens de la définition ci-dessus. Le module \(M\) est réunion, mais aussi somme, des sous-modules monogènes \(Ax,\) \(x\in M.\) Il est alors somme d'un nombre fini d'entre eux, c'est-à-dire engendré par une famille finie.

On appelle treillis complètement modulaire tout ensemble ordonné \((E,≤)\) vérifiant les deux propriétés suivantes :

  • \(({\rm CM}_1)\)\(E\) est un treillis modulaire complet ;
  • \(({\rm CM}_2)\)Tout élément non nul de \(E\) est minoré par un élément non nul de type fini.

Tout treillis de sous-modules est un treillis complètement modulaire. En effet, la propriété (CM\(_1\)) a déjà été vérifiée en et , et tout module non nul \(M\) a un élément non nul \(x\) donc contient le sous-module monogène \(Ax.\)

Soit \(E\) un treillis complètement modulaire, \((x_i)_{i\in I}\) une famille d'éléments de \(E,\) et \(x\in E.\) Si \(x\wedge\bigsum_{i\in I}x_i≠0,\) il existe un ensemble fini \(J\subset I\) tel que \(x\wedge\bigsum_{i\in J}x_i≠0.\) En effet, il existe un élément \(t≠0\) de type fini tel que \(t≤x\wedge\bigsum_{i\in I}x_i,\) et \(t\) est majoré à la fois par \(x\) et par une somme finie \(\bigsum_{i\in J}x_i,\) donc par \(x\wedge\bigsum_{i\in J}x_i.\)

Dans toute la suite \((E, ≤)\) désigne un treillis complètement modulaire

Sommes directes dans un treillis complètement modulaire

Soit \((x_i)_{i\in I}\) une famille d'éléments de \(E.\) On dit que la somme \(\bigsum_{i\in I}x_i\) est directe (ou que la famille \((x_i)_{i\in I}\) est en somme directe) si pour tout indice \(j\in I,\) on a : \[x_j\wedge\bigsum_{i\in I\setminus\{j\}}x_i=0\,.\]

  • Toute famille indexée par un ensemble à \(0\) ou \(1\) élément est en somme directe.
  • Une famille \((x,y)\) à deux éléments est en somme directe si, et seulement si, \(x\wedge y=0.\) On dira dans ce cas que \(x\) et \(y\) sont en somme directe.
  • Toute sous-famille d'une famille en somme directe est en somme directe.
  • D'après la remarque , une famille est en somme directe si, et seulement si, toute sous-famille finie est en somme directe.

Une somme \(\bigsum_{i\in I}x_i\) directe est notée \(\bigoplus_{i\in I}x_i\) (et \(x\oplus y\) dans le cas de deux éléments). On dit qu'une famille \((x_i)_{i\in I}\) est supplémentaire dans \(z\) si \(z=\bigoplus_{i\in I}x_i.\) On dit que \(x\) et \(y\) sont supplémentaires dans \(z\) si \(z=x\oplus y.\)

Soient \(x,y\in E.\) Tout supplémentaire de \(x\wedge y\) dans \(x\) est un supplémentaire de \(y\) dans \(x+y.\)

Soit \(x'\) un tel supplémentaire. On a par définition \(x=x'\oplus (x\wedge y).\)

  • Des inégalités \(x'\wedge y≤x'\) et \(x'\wedge y≤x\wedge y\) on déduit: \(x'\wedge y≤x'\wedge(x\wedge y)=0.\)
  • On a également : \(x+y=x'+(x\wedge y)+y=x'+y.\)

Pour toutes familles \((x_i)_{i\in I}\) et \((y_i)_{i\in I}\) d'éléments de \(E,\) on a : \[\left\{\matrix{\forall i\in I\,,\>x_i≤y_{i}\cr \bigoplus_{i\in I}y_i≤\bigsum_{i\in I}x_i}\right.\qquad\impl\qquad \forall i\in I\,,\>x_i=y_i\,.\]

Soit \(j\in I\) fixé. En prenant \(a=x_j,\) \(b=\bigsum_{i≠j}x_i,\) et \(c=y_j\) dans la propriété de modularité, on obtient \[\eqalign{y_j&=\Big(\bigoplus_{i\in I}y_i\Big)\wedge y_j≤\Big(\bigsum_{i\in I}x_i\Big)\wedge y_j\cr &=x_j+\Big(\big(\bigsum_{i≠j}x_i\big)\wedge y_j\Big)\qquad\hbox{(modularité)}\cr &≤x_j+\Big(\big(\bigoplus_{i≠j}y_i\big)\wedge y_j\Big)=x_j+0=x_j}\]

Soient \(x≤y≤z\) trois éléments de \(E,\) et \(x'\) un supplémentaire de \(x\) dans \(z.\) Alors \(x'\wedge y\) est un supplémentaire de \(x\) dans \(y.\)

Soit \(x'\) un tel supplémentaire. On a par définition \(x=x'\oplus (x\wedge y).\)

  • On a : \(x\wedge(x'\wedge y)≤x\wedge x'=0.\) La somme \(x+(x'\wedge y)\) est donc directe.
  • Par modularité appliquée au triplet \((x,x',y)\) on a : \[x+(x'\wedge y)=(x+x')\wedge y=z\wedge y=y\,.\]

Soient \(x,y,z\in E.\) Si \(x+y\) et \(z\) sont en somme directe, alors \[(y+z)\wedge x =y\wedge x\,.\]

Puisque \(x≤x+y\) on a : \[\eqalign{(y+z)\wedge x&=(y+z)\wedge (x+y)\wedge x\cr &=(y+(z\wedge(x+y)))\wedge x\quad\hbox{(par modularité appliquée à \((y,z,x+y)\))}\cr &=(y+0)\wedge x\cr &=y\wedge x.}\]

Soient \(x,y,z\in E\) tels que \(x+y\) et \(z\) soient en somme directe. Si \(x≤y+z\) alors \(x≤y.\)

D'après le théorème précédent on a: \[x≤y+z\ssi (y+z)\wedge x=x\ssi y\wedge x=x\ssi x≤y\,,\]

Propriété d'échange Soient \(x,y,z\in E\) tels que \(x+y\) et \(z\) soient en somme directe. Si \(x\) et \(y\) sont aussi en somme directe alors \(x\) et \(y+z\) le sont également.

D'après le théorème précédent on a: \[y\wedge x=0\ssi (y+z)\wedge x=0\,.\]

Soit \((x_i)_{i\in I}\) une famille d'éléments de \(E\) en somme directe, et \(J,K\) deux parties de \(I\) disjointes. Alors \(\bigoplus_{i\in J} x_i\) est en somme directe avec \(\bigoplus_{i\in K} x_i.\)

Il s'agit de démontrer que \(\bigoplus_{i\in J} x_i\wedge\bigoplus_{i\in K} x_i=0.\) D'après la remarque , on peut supposer l'ensemble \(J\) fini. On procède alors par récurrence sur \(n=\card(J)\) (avec quantification universelle sur \(K).\) Si \(\card J\in\{0,1\}\) c'est évident. Si c'est vrai lorsque \(\card J=n≥1\) considérons une partie \(J\) de cardinal \(n+1\) disjointe de \(K,\) et un indice \(j\in J.\) Par hypothèse de récurrence (appliquée avec \(K\union\{j\}\) à la place de \(K),\) on a \[\Big(\bigoplus_{i\in J\setminus\{j\}} x_i\Big)\wedge\Big(x_j+\bigoplus_{i\in K} x_i\Big)=0\,.\] D'autre part \(x_j\wedge\bigoplus_{i\in K} x_i=0\) d'après le cas \(n=1.\) D'après la propriété d'échange appliquée au triplet \(\Big(\bigoplus_{i\in K} x_i\,,\>x_j\,,\bigoplus_{i\in J\setminus\{j\}} x_i\Big),\) on en déduit que \(\bigoplus_{i\in K} x_i\) est en somme directe avec \(x_j+\bigoplus_{i\in J\setminus\{j\}} x_i\) c'est-à-dire avec \(\bigoplus_{i\in J} x_i.\)

Soient \((x_i)_{i\in I}\) une famille de vecteurs de \(E,\) et \(\{I_k\,,\>k\in K\}\) une partition de \(I.\) Les conditions suivantes sont équivalentes :

  1. La famille \((x_i)_{i\in I}\) est en somme directe ;
  2. Pour tout \(k\in K,\) la famille \((x_i)_{i\in I_k}\) est en somme directe, et la famille \(\Big(\bigoplus_{i\in I_k}x_i\Big)_{k\in K}\) est aussi en somme directe.

  • Supposons (i). Pour tout \(k\in K,\) la famille \((x_i)_{i\in I_k}\) est en somme directe comme sous-famille de \((x_i)_{i\in I}.\) De plus, d'après le lemme ci-dessus, \(\bigoplus_{i\in I_k}x_i\wedge \bigsum_{l≠k}\bigoplus_{i\in I_l}x_i=\bigoplus_{i\in I_k}x_i \wedge\bigoplus_{i\in I\setminus I_k}x_i =0,\) c'est-à-dire : la famille \(\big(\bigoplus_{i\in I_k}x_i\big)_{k\in K}\) est en somme directe. On a donc (i) \(\impl\) (ii).
  • Supposons (ii). Soit \(j\in I.\) Il s'agit de vérifier que \(x_j\wedge\bigsum_{i\in I\setminus\{j\}}x_i=0.\) Soit \(k\in K\) tel que \(j\in I_k.\) Puisque la famille \((x_i)_{i\in I_k}\) est en somme directe on a \[x_j\wedge\bigoplus_{i\in I_k\setminus\{j\}}x_i=0\,.\] D'autre part puisque la famille \(\Big(\bigoplus_{i\in I_k}x_i\Big)_{k\in K}\) est elle aussi en somme directe on a aussi \[\Big(x_j+\bigoplus_{i\in I_k\setminus\{j\}}x_i\Big)\wedge \bigsum_{i\in I\setminus I_k}x_i=0\,.\] Par la propriété d'échange appliquée au triplet \(\Big(x_j\,,\bigoplus_{i\in I_k\setminus\{j\}}x_i\,,\bigsum_{i\in I\setminus I_k}x_i\Big)\) on obtient le résultat voulu.

Semi-simplicité dans les treillis complètement modulaires

On appelle élément simple de \(E\) tout élément non nul minimal. On dit qu'un élément de \(E\) est indécomposable s'il est non nul et n'est pas somme directe de deux éléments non nuls. On dit qu'un élément \(x\in E\) est semi-simple si tout minorant de \(x\) a un supplémentaire dans \(x.\)

  1. a Soit \(x\in E.\) Alors \(x\) est simple si, et seulement si, il est à la fois indécomposable et semi-simple.
  2. b Tout élément simple est de type fini. En effet, un tel élément \(x\) est non nul donc minoré par un élément non nul \(t\) de type fini (axiome (CM2)), et la simplicité de \(x\) entraîne \(t=x.\) Remarquons que dans le cas des modules, un module simple est non seulement de type fini mais monogène. Dans un treillis complètement modulaire général, la notion d'élément monogène n'est pas définissable, contrairement à celle d'élément de type fini.

Tout minorant d'un élément semi-simple est semi-simple.

Soient \(x,y\in E\) tels que \(y\) soit semi-simple et \(x≤y.\) Il s'agit de voir que tout élément \(x'≤x\) a un supplémentaire dans \(x.\) Par semi-simplicité de \(y\) il existe un supplémentaire \(z\) de \(x'\) dans \(y.\) Mais d'après la proposition , \(x\wedge z\) est un supplémentaire de \(x'\) dans \(x.\)

On dit que \(E\) est semi-simple si tout élément est semi-simple. D'après la proposition précédente, il faut et il suffit pour cela que \(1=\max(E)\) soit semi-simple.

Tout élément semi-simple non nul d'un treillis complètement modulaire admet un minorant simple.

Soit \(x\) semi-simple non nul. D'après l'axiome (CM2) \(x\) a un minorant \(t≠0\) de type fini.

  • Montrons que l'ensemble \(A\) constitué des minorants stricts de \(t\) est inductif. Soit \(B\) une partie totalement ordonnée de \(A,\) et \(m=\sup(B)=\bigsum_{x\in B}x.\) Il s'agit de voir que \(m\in A,\) c'est-à-dire \(m≠t.\) Si on avait \(m=t,\) puisque \(t\) est de type fini il existerait un ensemble fini \(B'\subset B\) telle que \(t≤\bigsum_{x\in B'}x=\sup (B').\) Mais \(B'\) étant totalement ordonné on aurait alors : \(t≤\sup (B')\in B',\) ce qui contredirait le fait que les éléments de \(B'\) sont des minorants stricts de \(t.\)
  • D'après le lemme de Zorn on en déduit que \(A\) possède un élément maximal, qui est donc un minorant strict maximal \(t'\) de \(t.\) L'élément \(x\) étant semi-simple, d'après la proposition ci-dessus, il en est de même pour \(t.\) Il existe donc un élément \(t''\) tel que \(t=t'\oplus t''.\) On va montrer que \(t''\) répond à la question.
  • On a déjà \(t''≤x.\) Il reste à montrer que \(t''\) est simple. On a déjà \(t''≠0\) puisque \(t'≠t.\) Il reste à voir que tout élément \(s\) tel que \(0\lt s≤t''\) est égal à \(t''.\) On a \(s\wedge t'≤t''\wedge t'=0≠s,\) donc \(s\) n'est pas un minorant de \(t',\) donc \(t'\lt t'+s.\) Par maximalité de \(t'\) on en déduit \(t'+s=t.\) On en déduit, par propriété de modularité appliquée au triplet \((s,t',t''),\) \[s=s+0=s+(t'\wedge t'')=(s+t')\wedge t''=t\wedge t''=t''\,.\]

Décomposition en somme d'éléments simples

Le résultat suivant est en quelque sorte la version abstraite du théorème de la base incomplète en algèbre linéaire.\[ \]

Soit \((x_i)_{i\in I}\) une famille d'éléments simples dans un treillis complètement modulaire \(E,\) et \(y\in E\) tel que \(y≤\bigsum_{i\in I}x_i.\) Il existe un ensemble \(J\subset I\) tel que la somme \(\bigsum_{i\in J}x_i\) soit directe et supplémentaire de \(y\) dans \(\bigsum_{i\in I}x_i.\)

Soit \(\Sig\) l'ensemble des parties \(K\subset I\) telles que la somme \(\bigsum_{i\in K}x_i \) soit directe et elle-même en somme directe avec \(y.\) D'après la remarque , l'ensemble \(\Sig\) est de caractère fini, donc admet un élément maximal \(J\) (voir ). Par définition de \(\Sig,\) la somme \(\bigsum_{i\in J}x_i \) est directe et en somme directe avec \(y.\) Posons \(z=y\oplus\Big(\bigoplus_{i\in J}x_i\Big);\) Il s'agit maintenant de voir que \(z=\bigsum_{i\in I}x_i.\) Pour tout \(i\in I,\) par maximalité de \(J,\) \(z\) et \(x_i\) ne sont pas en somme directe, et donc, puisque \(x_i\) est simple, \(x_i\wedge z=x_i,\) c'est-à-dire \(x_i≤z,\) On a donc \(\bigsum_{i\in I}x_i≤z.\) L'autre inégalité est évidente.

Soit \(x\in E.\) Les conditions suivantes sont équivalentes :

  1. \(x\) est somme d'une famille d'éléments simples ;
  2. \(x\) est somme directe d'une famille d'éléments simples ;
  3. \(x\) est semi-simple.

  • (i) \(\impl\) (ii) : il suffit d'appliquer le théorème précédent en prenant \(y=0.\)
  • Supposons (ii). Soit \(x'≤x.\) En appliquant le lemme précédent en prenant \(y=x'\) on obtient : \(x'\) a un supplémentaire dans \(x.\) On a donc (ii) \(\impl\) (iii).
  • Supposons (iii). Soit \(y\) la somme (borne supérieure de l'ensemble) des éléments simples inférieurs à \(x.\) Il s'agit de vérifier que \(y=x.\) L'élément \(x\) étant semi-simple il existe \(y\in E\) tel que \(x=y\oplus y'.\) Supposons par l'absurde \(y\lt x.\) Alors \(y'≠0.\) D'après \(y'\) est semi-simple, donc d'après \(y'\) est minoré par un élément simple \(s.\) Mais alors \(s≤y,\) d'où \(s≤y\wedge y',\) ce qui contredit le fait que \(y\) et \(y'\) sont en somme directe.

Toute somme d'éléments semi-simples est semi-simple.

Soit \(x\in E.\) Il existe un plus grand minorant semi-simple de \(x.\) On l'appelle la partie semi-simple de \(x.\)

Il suffit de prendre la somme de tous les éléments simples (ou bien semi-simples) inférieurs à \(x.\)

Résultats de cardinalité

Le théorème suivant est en quelque sorte la version abstraite du résultat d'algèbre linéaire toute famille libre a au plus autant de vecteurs qu'une famille génératrice.\[ \]

Dans \(E,\) supposons que l'on ait une inégalité de la forme \[z\oplus\bigoplus_{j\in J}y_j≤z+\bigsum_{i\in I}x_i\,,\] où les \(y_j\) sont non nuls, les \(x_i\) simples, et l'ensemble \(I\) fini. Alors l'ensemble \(J\) est fini et \(\card (J)≤\card(I).\)

On procède par récurrence sur \(\card(I)\) (avec quantification universelle sur \(z).\)
Si \(\card(I)=0\) alors \(z\oplus\bigoplus_{j\in J}y_j≤z,\) c'est-à-dire \(\bigoplus_{j\in J}y_j≤z.\) Mais alors \(\bigoplus_{j\in J}y_j=z\wedge \bigoplus_{j\in J}y_j\) est nul puisque la somme est directe. Les \(y_j\) étant non nuls, la seule possibilité est \(J=\vide,\) c'est-à-dire \(\card(J)=0.\)
Soit \(n\in\nmat^*\) et supposons le résultat acquis lorsque \(\card(I)=n-1.\) Supposons maintenant que l'on ait \(z\oplus\bigoplus_{j\in J}y_j≤z+\bigsum_{i\in I}x_i\) avec \(\card(I)=n,\) les \(y_j\) non nuls, et les \(x_i\) simples. Soit \(k\in I\) fixé.
1ercas : Pour tout \(j\in J,\) \(x_k\) n'est pas majoré par \(y_j+z+\bigsum_{i\in I\setminus\{k\}}x_i.\)
Étant simple, il est en somme directe avec ce dernier. Or, par hypothèse, \(y_j≤z+\bigsum_{i\in I}x_i.\) D'après le corollaire , on en déduit que \(y_j≤z+\bigsum_{i\in I\setminus\{k\}}x_i.\) L'indice \(j\in J\) étant arbitraire, on en déduit que \[z\oplus\bigoplus_{j\in J}y_j≤z+\bigsum_{i\in I\setminus\{k\}}x_i\,.\] Puisque \(\card\l(I\setminus\{k\}\r)=n-1,\) par hypothèse de récurrence on en déduit que l'ensemble \(J\) est fini et que \[\card(J)≤n-1≤n=\card(I)\,.\] 2e cas : Il existe \(l\in J\) tel que \(x_k≤y_l+z+\bigsum_{i\in I\setminus\{k\}}x_i.\)
Alors \[ z\oplus\bigoplus_{j\in J\setminus\{l\}}y_j ≤z\oplus\bigoplus_{j\in J}y_j≤z+\bigsum_{i\in I}x_i≤y_l+z+\bigsum_{i\in I\setminus\{k\}}x_i\,.\] Puisque \(\card\l(I\setminus\{k\}\r)=n-1,\) par hypothèse de récurrence (appliquée à \(y_l+z\) à la place de \(z),\) on en déduit que \(\card\l(J\setminus\{l\}\r)≤n-1,\) c'est-à-dire \(\card(J)≤n.\)

Soit \(\mskip 2mu x=\bigoplus_{i\in I}x_i\mskip 2mu\) et \(\mskip 2mu x=\bigoplus_{j\in J}y_j\mskip 3mu\) deux décompositions d'un même élément semi-simple \(x\) comme somme directe (finie ou infinie) d'éléments simples. Alors \(\mskip 2mu\card(I)=\card(J).\)

Quitte à échanger les rôles des familles \((x_i)\) et \((y_j)\) il suffit de démontrer que \(\card(J)≤\card(I).\)
1ercas : L'ensemble \(I\) est fini. Puisque les \(x_i\) sont semi-simples et les \(y_j\) non nuls, l'application du théorème précédent avec \(z=0\) donne : \(J\) est fini et \(\card(J)≤\card(I).\)
2e cas : L'ensemble \(I\) est infini. Pour tout \(i\in I,\) il existe une partie finie \(J(i)\) telle que \(x_i\wedge \bigoplus_{j\in J(i)}y_j≠0\) (Rem. ), et par suite, puisque \(x_i\) est simple, \(x_i≤\bigoplus_{j\in J(i)}y_j.\) La somme des \(x_i\) vaut \(x,\) ce qui entraîne \(\Union_{i\in I}J(i)=J.\) Puisque \(I\) est infini et que les \(J(i)\) sont finis, on en déduit \[\card(J)=\card\l(\Union_{i\in I}J(i)\r)≤\card(I).\]

Éléments isomorphes

Pour pouvoir généraliser au cas abstrait la notion de module isotypique (module semi-simple dont tous les sous-modules simples sont isomorphes), il faut pouvoir disposer d'une notion d'éléments isomorphes. Or, il n'est probablement pas possible de définir, à partir de la relation d'ordre dans un treillis complètement modulaire abstrait, une relation binaire jouant le rôle de la relation d'isomorphisme entre sous-modules d'un module. A cet effet on va enrichir la structure de treillis complètement modulaire de façon à disposer d'une notion d'isomorphisme entre éléments. Commençons par remarquer (c'est classique et facile) que deux sous-modules d'un module \(M\) ayant un supplémentaire commun sont isomorphes (la réciproque est fausse, comme le montre l'exemple d'un hyperplan d'un espace vectoriel en dimension infinie). Remarquons également qu'un isomorphisme entre deux modules induit un isomorphisme d'ensembles ordonnés entre les deux treillis de sous-modules.

Soient \(x,y\in E\) deux éléments semi-simples. La condition \(x\) et \(y\) ont un supplémentaire commun dans \(z\) ne dépend pas du majorant semi-simple \(z\) de \(\{x,y\}\) choisi. Lorsqu'elle est vérifiée on dira tout simplement que \(x\) et \(y\) \(\mskip 2mu\)ont un supplémentaire commun.

Il s'agit de vérifier que si \(z\) est un majorant semi-simple de \(\{x,y\}\) les conditions suivantes sont équivalentes :

  1. \(x\) et \(y\) ont un supplémentaire commun dans \(z\) ;
  2. \(x\) et \(y\) ont un supplémentaire commun dans \(x+y.\)

Supposons (i). Soit \(t\) un supplémentaire commun de \(x\) et \(y\) dans \(z.\) Puisque \(z\) majore \(x+y,\) d'après la proposition , \(t\wedge(x+y)\) est un supplémentaire commun de \(x\) et \(y\) dans \(x+y.\)
Supposons (ii). Soit \(t\) un supplémentaire commun de \(x\) et \(y\) dans \(x+y,\) et \(z\) un majorant semi-simple de \(\{x,y\},\) c'est-à-dire de \(x+y.\) Par semi-simplicité de \(z,\) l'élément \(x+y\) admet un supplémentaire \(u\) dans \(z.\) Alors \(t\oplus u\) est un supplémentaire commun de \(x\) et \(y\) dans \(z.\)

Dans un treillis complètement modulaire \(E,\) on notera \([0,x]\) l'ensemble des minorants de \(x.\) Par exemple, si \(E\) est le treillis des sous-modules d'un module \(M\) et \(M'\in E,\) l'ensemble \([0,M']\) est l'ensemble des sous-modules de \(M'.\)

Soit \((E,≤)\) un treillis complètement modulaire. On appelle notion d'isomorphisme sur \(E\) tout ensemble \(G\subset E\times E\) vérifiant les quatre propriétés suivantes :

  • \(({\rm IS}_1)\)\(G\) est le graphe d'une relation d'équivalence ;
  • \(({\rm IS}_2)\)Si \((x,y)\in G,\) il existe un isomorphisme \(\phi\) d'ensembles ordonnés de \([0,x]\) sur \([0,y]\) tel que pour tout élément \(x'≤x,\) \((x',\phi(x'))\in G\) ;
  • \(({\rm IS}_3)\)Si \(x,y\in E\) sont deux éléments semi-simples ayant un supplémentaire commun, alors \((x,y)\in G\) ;
  • \(({\rm IS}_4)\)Si deux familles \((x_i)_{i\in I}\) et \((y_i)_{i\in I}\mskip 3mu\) sont chacune en somme directe (finie ou infinie) et si, pour tout \(i\in I,\) \(\l(x_i, y_i\r)\in G,\) alors \(\Big(\bigoplus_{i\in I}x_i\,,\,\bigoplus_{i\in I}y_i\Big)\in G.\)

Lorsque \((x,y)\in G\) on dit que \(x\) et \(y\) sont isomorphes.

Le treillis des sous-modules d'un module \(M,\) muni de la relation d'isomorphisme usuelle entre sous-modules, vérifie les quatre axiomes.

Dans toute la suite on se donne un triplet \((E,≤,G)\) où \((E,≤)\) est un treillis complètement modulaire et \(G\) une notion d'isomorphisme.


Soit \(x\in E,\) somme d'une famille \((x_i)_{i\in I}\) d'éléments simples. Pour tout élément \(z≤x,\) il existe un ensemble \(J\subset I\) tel que la somme \(\bigsum_{i\in J} x_i\) soit directe et isomorphe à \(z.\)

L'élément \(x\) étant somme d'éléments simple il est semi-simple, et donc \(z\) admet un supplémentaire \(y\) dans \(x.\) D'après le théorème , il existe \(J\subset I\) tel que la somme \(\bigsum_{i\in J} x_i\) soit directe et supplémentaire de \(y\) dans \(x.\) Alors \(\bigsum_{i\in J} x_i\) est isomorphe à \(z,\) puisque ces deux éléments ont \(y\) comme supplémentaire commun dans \(x\) (axiome IS\(_3).\)

  1. Tout élément isomorphe à un élément non nul est non nul.
  2. Tout élément isomorphe à un élément simple est simple.
  3. Tout élément isomorphe à un élément indécomposable est indécomposable.
  4. Tout élément isomorphe à un élément semi-simple est semi-simple.

Résulte du fait que d'après (IS\(_2)\) si les éléments \(x\) et \(y\) sont isomorphes alors les ensembles ordonnés \([0,x]\) et \([0,y]\) sont isomorphes, et que les notions de nullité (resp. simplicité, resp. indécomposabilité, resp. semi-simplicité) d'un élément \(x\) s'expriment en termes du sous-treillis \([0,x].\)

Soit \(x\in E,\) somme d'une famille \((x_i)_{i\in I}\) d'éléments simples. Alors tout minorant simple de \(x\) est isomorphe à l'un des \(x_i.\)

Soit \(z≤x\) un élément simple. Il existe un ensemble \(J\subset I\) tel que la somme \(\bigsum_{i\in J} x_i\) soit directe et isomorphe à \(z\) (Prop. ci-dessus). Alors \(\bigsum_{i\in J} x_i\) est simple (Prop. ) donc indécomposable, d'où \(\card J=1.\)

Décomposition en composantes isotypiques

Soit \(x\in E.\) Les conditions suivantes sont équivalentes :

  1. \(x\) est semi-simple et les minorants simples de \(x\) sont deux à deux isomorphes ;
  2. \(x\) est somme d'éléments simples deux à deux isomorphes ;
  3. \(x\) est somme directe d'éléments simples deux à deux isomorphes ;
  4. \(x\) est semi-simple et pour tous minorants \(y,z\) de \(x,\) l'un des deux est isomorphe à un minorant de l'autre.
    On dit que \(x\) est isotypique s'il vérifie ces conditions équivalentes.

  • (i) \(\ssi\) (ii) \(\ssi\) (iii) résulte du théorème et du corollaire .
  • Supposons (i). Soient \(y,z≤x.\) L'élément \(x\) étant semi-simple, \(y\) et \(z\) le sont également. Il existe des familles \((y_i)_{i\in I}\) et \((z_j)_{j\in J}\) d'éléments simples telles que \(y=\bigoplus_{i\in I}y_i\) et \(z=\bigoplus_{j\in J}z_j.\) Les \(y_i\) et les \(z_j\) étant des minorants simples de \(x\) ils sont tous isomorphes. De plus l'un des deux ensembles \(I\) et \(J\) (celui de plus petit cardinal) est en bijection avec un sous-ensemble de l'autre. L'axiome (IS\(_4)\) entraîne alors que \(y\) ou \(z\) est isomorphe à un minorant de l'autre. On a donc (i) \(\impl\) (iv).
  • Supposons (iv). Soient \(y,z≤x\) deux élément simples. L'un des deux (par exemple \(y)\) est isomorphe à un minorant de l'autre (un élément \(z'≤z).\) On a \(y≠0\) donc \(z'≠0.\) Puisque \(z\) est simple, \(z=z'\) est donc isomorphe à \(y.\) On a donc (iv) \(\impl\) (i).

On a de façon immédiate : tout minorant d'un élément isotypique est isotypique.

Dans la suite on note \(\mskip 2mu\Sig\) l'ensemble des classes d'isomorphisme des éléments simples de \(E.\) Soit \(S\in\Sig.\) On dit qu'un élément isotypique \(x\) est de type \(S\) si les minorants simples de \(x\) sont éléments de \(S.\)


Tout élément isotypique a un type unique, excepté 0 qui est de type \(S\) pour tout \(S\in\Sig.\)

Toute famille \((x_S)_{S\in\Sig}\) où chaque \(x_S\) est isotypique de type \(S\) est en somme directe.

Soit \(S\in\Sig.\) Tout minorant simple de \(x_S\wedge\bigsum_{S'\in\Sig\setminus\{S\}}\!S'\) est à la fois de type \(S\) et, d'après le cor. , d'un type \(S'≠S,\) ce qui est absurde. On en déduit \(x_S\wedge\bigsum_{S'\in\Sig\setminus\{S\}}\!S'=0.\)

Soit \(x\in E\) et \(S\in\Sig.\) Il existe un plus grand minorant isotypique de \(x\) de type \(S.\) On l'appelle la composante isotypique de \(x\) de type \(S,\) et on le note \(\ci(x,S).\)

Il suffit de prendre la somme de tous les minorants simples de \(x\) ayant \(S\) pour classe d'isomorphisme, c'est-à-dire \(\bigsum_{s\in S,\, s≤x}\!\!s.\)

Soit \(x\in E\) et \(S\in\Sig.\) Pour tout élément \(y≤x\) on a : \[\ci(y,S)=y\wedge \ci(x,S)\,.\]

\(\ci(y,S)\) est un minorant à la fois de \(y\) et de \(\ci(x,S).\) On en déduit \(\ci(y,S)≤y\wedge \ci(x,S).\) D'autre part \(y\wedge \ci(x,S)\) est un minorant isotypique de \(y\) de type \(S.\) Le plus grand d'entre eux étant par définition \(\ci(y,S),\) il en résulte que \(y\wedge \ci(x,S)≤\ci(y,S)\)

Théorème de décomposition en composantes isotypiques Soit \(x\in E.\) La somme des composantes isotypiques de \(x\) est directe et elle est égale à la partie semi-simple \(x'\) de \(x\) (voir ). Inversement, si \(x'\) est somme d'une famille \((x_S)_{S\in\Sig}\) où chaque \(x_S\) est isotypique de type \(S,\) alors \(x_S=\ci(x,S)\) pour tout \(S\in\Sig.\)

On sait déjà (Prop. ) que toute somme d'éléments isotypiques de types distincts est directe. D'autre part \(\bigoplus_{S\in\Sig}\ci(x,S)\) est un minorant semi-simple de \(x.\) On en déduit déjà l'inégalité \[\bigoplus_{S\in\Sig}\ci(x,S)≤x'.\tag{1}\] Si \(x'\) est somme d'une famille \((x_S)_{S\in\Sig}\) où chaque \(x_S\) est isotypique de type \(S,\) l'inégalité \((1)\) peut se récrire \[\bigoplus_{S\in\Sig}\ci(x,S)≤\bigsum_{S\in\Sig}x_S\,.\] Le théorème entraîne alors que \(\ci(x,S)=x_S\) pour tout \(S\in\Sig,\) ce qui démontre la deuxième assertion du théorème. Enfin puisqu'il existe au moins une telle famille \((x_S)\) (en utilisant le th. et en regroupant les éléments simples isomorphes) on en déduit aussi l'égalité \(\bigoplus_{S\in\Sig}\ci(x,S)=x'.\)

Multiplicité

Soit \(x\in E\) et \(S\in\Sig.\) La composante isotypique \(\ci(x,S)\) se décompose comme somme directe \(\bigoplus_{i\in I}s_i\) où les \(s_i\) sont simples et éléments de \(S.\) D'après , le cardinal (fini ou infini) de \(I\) ne dépend pas de la décomposition choisie. On l'appelle la multiplicité de \(S\) dans \(x\) et on le note \(\mu_S(x)\)

Soit \(x\in E.\) On appelle signature de \(x\) la famille \((\mu_S(x))_{S\in\Sig}.\)

Si \(x,y\in E\) sont deux éléments semi-simples ayant même signature, d'après les th. et et l'axiome (IS4), \(x\) et \(y\) sont isomorphes. Inversement, si \(x\) et \(y\) sont isomorphes l'axiome (IS2) entraîne que leurs signatures sont égales. On a donc obtenu :

Deux éléments semi-simples \(\mskip 2mu x,y\mskip 2mu\) sont isomorphes si, et seulement si, ils ont la même signature.

Dans le cas de deux éléments qui ne sont pas forcément semi-simples la signature caractérise seulement les parties semi-simples : \(x\) et \(y\) ont même signature si, et seulement si, ils ont des parties semi-simples isomorphes.